BOLKESTEIN

Publié le par Collectif Ornais du 29 Mai

Le retour de B o l kestein !
Le projet de directive libéralisant le commerce des services, dite directive
Bolkestein, est en train d'être discuté au Parlement européen. Contrairement
à ce qu'avait affirmé le président de la République pendant la campagne réfé -
rendaire, ce projet n'est donc pas abandonné. Ce texte encourage le dumping
social, met en danger les règles de santé publique, les normes environne -
mentales et la protection des consommateurs. Il importe aujourd'hui d'enga -
ger un processus de mobilisation à l'échelle européenne pour que ce projet
soit abandonné. Le 15 octobre sera une première étape en ce sens.

La proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur, dite "Bolkestein", du nom de l'ancien Commissaire chargé du marché intérieur, est emblématique de la vision libérale de la construction européenne. L'objectif de cette directive "est d'établir un cadre juridique qui supprime
les obstacles à la liberté d'établissement des prestataires de services et à la libre circulation des services entre les Etats membres". Toutes les activités de services, à l'exclusion des services régaliens de l'Etat fournis gratuitement, sont concernés. L'enjeu est donc considérable.
Le principe du pays d'origine Ce projet de directive repose sur une innovation juridique : le principe du pays d'origine. Ce principe signifie qu'un prestataire de services est exclusivement soumis à la loi du pays où il est établi et non plus à la loi du pays où il fournit le service. Ce principe est d'abord un renoncement à la logique d'harmonisation qui était théoriquement la doctrine officielle de l'Union européenne (UE).Certes cette doctrine avait déjà été mise à mal par le refus d'une harmonisation
des règles fiscales et des droits économiques et sociaux des salariés. Pire même, souvent cette
harmonisation faite "par le bas" a été porteuse de régression sociale. C'est par exemple ainsi au nom de l'égalité entre les femmes et les hommes qu'a été supprimée l'interdiction du travail de nuit pour les femmes. Une autre solution aurait été au contraire d'harmoniser"par le haut" en interdisant le
 travail de nuit pour tous les salariés, quitte à indiquer des exceptions à cette règle pour des raisons d'intérêt général.
Cependant le maintien d'une logique d'harmonisation dans la construction de l'UE pouvait laisser espérer qu'un jour, mobilisations sociales et rapportsde force aidant, nous arriverions petit à petit à imposer une convergence par le haut des droits des habitants de l'Europe. Si elle était adoptée,
cette directive renverrait cette perspectiveaux calendes grecques.
Le principe du pays d'origine apparaît de fait comme une incitation légale aux délocalisations vers les pays de l'Union où règnent les moins-disants sociaux, fiscaux et environnementaux et où la protection des consommateurs est moindre. Il s'agit d'une incitation à créer des entreprises n'ayant
qu'un siège social plus ou moins fantomatique dans ces pays et qui avec une simple boite aux lettres pourront intervenir dans toute l'Union. De plus, le contrôle de ces entreprises échapperait à l'administration du pays d'accueil. Le projet de directive indique ainsi que "l'Etat membre d'origine est chargé du contrôle du prestataire et des services qu'il fournit, y compris lorsqu'il fournit ses services
dans un autre pays membre". La portée pratique d'une telle proposition apparaît clairement : c'est la porte ouverte à une liberté d'action totale pour les entreprises qui pourront agir
de fait sans aucun contrôle sérieux.
Que deviennent les services publics ?
Ce projet de directive concerne l'ensemble des activités de services à l'exception de celles déjà couvertes par une autre directive. Ainsi les télécommunications, les transports sont explicitement
exclus de son champ d'activité. De plus, le principe du pays d'origine ne s'appliquera pas à la distribution d'électricité et de gaz, à l'eau et aux services postaux. Faut-il être rassurés pour autant ? Non car pour l'essentiel, ces secteurs sont déjà dérèglementés et les missions de service public sont en train de se réduire comme une peau de chagrin, voire ont quasiment disparu comme dans le cas des télécommunications. Mais surtout, les missions d'intérêt général ne sont pas explicitement
exclues de l'application du principe du pays d'origine. Le champ des services publics est très différent d'un pays à l'autre, ce qui aura des conséquences sur la manière dont un service peut être rendu. Un prestataire de service ne sera ainsi pas obligé de respecter les exigences liées à des missions de service public du pays dans lequel il fournit le s e r v i c e . Comment les Etats pourront continuer à
maintenir des dispositions relatives à l'intérêt général alors que le projet de directive vise explicitement à lever tous les obstacles à la liberté d'entreprendre et fournit une longue liste de mesures incompatibles avec cet objectif.
Les politiques de santé publique
Le texte de la directive impose la suppression d'un nombre considérable de mesures qui sont pourtant à la base de la régulation des systèmes de soins dans la plupart des pays de l'Union.
Ainsi, concernant les pharmacies, il deviendrait impossible pour un Etat d'imposer des normes d'implantation en fonction de la population. De même, il ne serait plus possible d'imposer
à un prestataire venant d'un autre pays de l'Union des normes d'encadrement ou d'équipement dans
les établissements de santé ainsi que des normes de qualité et de soins. Il
deviendrait, de plus, impossible d'imposer à un opérateur de santé des tarifs obligatoires, ce qui revient à miner le système de remboursement de soins mis en place par l'assurancemaladie.
On le voit, il s'agit d'une remise en cause frontale de toute possibilité de
mener réellement des politiques publiques en matière de santé.
Une intervention citoyenne nécessaire ! Le projet de directive relève de la codécision entre le Parlement européen et le Conseil européen qui regroupe les Chefs d'Etat et de gouvernement.
Après discussion sur divers amendements, ce texte devrait être adopté par le Parlement européen probablementvers la fin octobre. Il sera ensuite présenté devant le Conseil européen.
On le voit, contrairement à ce que nous avait affirmé le gouvernement, ce projet n'est absolument pas enterré. Dans cette situation, il importe d'abord de l'interpeller pour lui rappeler ses engagements. Mais il faut aussi engager un processus de mobilisation à l'échelle européenne.
De nombreux mouvements sociaux européens ont décidé de faire de la journée du 15 octobre une première étape de mobilisation dans tous les pays de l'Union européenne.
En France, faisons de cette journée unmoment d'interpellation du gouvernement français.

Le droit du t rava i l
Le projet de directive n’exclut pas explicitement les r é g l e m e n t a t i o n s nationales en matière
de droit du travail du principe du pays d’origine. Une possibilité juridique existe donc pour que puisse s’engager un démantèlement du droit du travail.
Certes, la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs n'est pas concernée par ce principe. Il en est de même pour le règlement de 1971 de coordination des régimes de sécurité sociale qui indique que "les personnes qui résident sur le territoire de l'un des Etats membres sont soumises aux obligations et sont admises au bénéfice de la législation de tout Etat membre".
Toutefois le recours aux travailleurs détachés est cependant en pratique un moyen de contourner les règles sociales et de faire ainsi pression sur les normes d’emploi du pays où s’exerce l’activité. C’est le cas non seulement parce que les possibilités concrètes de contrôle sont réduites, mais aussi parce que les droits de ces salariés d i ffèrent très sensiblement de ceux des autres salariés.
Le projet de directive aggrave les risques de dumping social en rendant encore plus illusoires les
possibilités de contrôle des normes sociales.
Le texte prévoit en e ffet un allégement descontraintes des entreprises en matière de détachement. Il
prévoit de supprimer “les règles tatillonnes" et "les formalités administratives à remplir avant que les
entreprises puissent détacher des travailleurs". Bref, le contrôle des pratiques sociales des
entreprises était faible,il deviendrait inexistant.

Publié dans Appels

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